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En Polynésie française, la tradition pour contourner la procédure d’adoption

Il existe, en Polynésie, une tradition, qui existait bien avant l’arrivée des européens, selon laquelle les familles qui ne pouvaient pas assurer l’avenir de leur enfant, le confiaient en adoption « FA'A'AMU (faire manger) » à des proches.


Pour en savoir plus sur cette tradition, je vous invite à lire cet article instructif



À notre époque, où le « Droit à l’enfant » vient en concurrence avec l’intérêt de l’enfant et la non-marchandisation du corps de la femme (interdiction de la gestation pour autrui), certains tentent de contourner la Loi en se référant la tradition ancestrale du fa’a’amu et, parfois, avec succès.


La Cour de cassation vient de rendre un arrêt qui valide cette pratique contestable, alors qu’il s’agit, non plus de confier son enfant à des proches dans un contexte particulier mais de le « donner » à des couples en mal d’enfant.


L’on nous dira qu’il s’agit d’un arrêt d’espèce, motivé par les circonstances particulières de l’affaire. Néanmoins, il pose question.




Voici les faits de l’espèce : un couple d’hommes, vivant en Polynésie, entreprend des démarches pour adopter un enfant de manière parfaitement régulière. La procédure étant certainement trop longue à son goût, le couple met un terme à sa demande d’agrément et se livre à un démarchage en bonne et due forme à la maternité :


« Le 23 juin 2020, ce couple a fait l'objet d'un signalement, auprès de la DSFE, par le centre hospitalier de la Polynésie française pour avoir distribué, à la maternité de cet établissement, des cartes de visite sur lesquelles il était mentionné « [Z] et [Y] adoptent enfant fa'a'amu » suivi de leurs coordonnées. »


« Grâce à l'intervention d'un intermédiaire, ce couple est entré en co


ntact avec M. [K] [F] et son épouse, laquelle attendait un enfant. »


« Il a été convenu qu'à sa naissance, l'enfant attendu par Mme [F] serait remis à MM. [J] et [H] afin de réduire les difficultés d'une procédure d'adoption et que M. [H] reconnaîtrait l'enfant comme le sien, ce qu'il fit le 23 septembre 2020, par une reconnaissance anticipée de paternité. »


« Le [Date naissance 1] 2020, M. [H] a accompagné Mme [F] à la clinique où elle a donné naissance à une fille prénommée [U] qui est sortie de l'établissement, le 2 octobre 2020, avec MM. [H] et [J], Mme [F] ayant regagné son domicile la veille. »


(Extrait de l’arrêt de la Chambre criminelle de la Cour de cassation


du 27 septembre 2023)


À l’issue d’une longue procédure (signalements, enquête, placement de l’enfant, procédure devant le Tribunal correctionnel des chefs de provocation à l'abandon d'enfant et faux documents administratifs et usage), les « parents adoptifs » ont été relaxés des fins de la poursuite.



L’enquête a démontré que la décision de confier l'enfant selon la tradition fa'a'amu, avait été prise dès l'annonce de la grossesse, compte tenu de leur impossibilité matérielle à prendre cet enfant en charge et qu’elle n’avait mis en lumière aucune contrainte ou manœuvre pour inciter la mère biologique à abandonner l'enfant ou pour obtenir son consentement.


D’autre part, « s'il est établi qu'une somme d'argent a été remise aux époux [F] par MM. [H] et [J] afin d'assurer la subsistance de la famille et les soins de l'enfant, ce don, dont le montant apparaît dérisoire, n'a pu être déterminant dans la remise de l'enfant alors qu'en outre il a été réalisé postérieurement à celle-ci dans le but d'apporter à ce couple un soutien humanitaire ».


Concernant la fausse déclaration de paternité à l’état civil, la Cour de cassation indique que «la reconnaissance est l'acte libre et volontaire par lequel un homme ou une femme déclare être le père ou la mère d'un enfant et s'engage à assumer toutes les conséquences qui en découlent selon la loi, notamment celle de prendre en charge l'entretien et l'éducation de l'enfant ».


Puisqu’il s’agit d’un acte purement déclaratif, décorrélé de la réalité biologique, aucune fraude ne saurait être établie.


Voilà comment contourner allègrement la procédure très stricte de l’adoption (conditions d’âge, agrément…), voire masquer le recours à la gestation pour autrui, avec la bénédiction de la Justice.




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